Un grand cerf photographié à proximité de Chaux-Neuve, sur les hauteurs du Doubs. Photo : fédération de chasse du Doubs
Il faut écouter Patrick Salvi parler du cerf. D’abord en technicien. Et puis en passionné.
Il
est lieutenant de louveterie, les seuls fonctionnaires bénévoles qui
interviennent par arrêté préfectoral, notamment sur les animaux
nuisibles.
Mais il est aussi chasseur et grand passionné par tout ce qui concerne les animaux et la nature.
«
Pourquoi j’aime les cerfs… C’est le roi de la forêt. Il est beau comme
un cheval. Et puis il est malin comme aucun autre animal. Il vous a vu
bien avant que vous n’arriviez sur sa place… Je suis resté des centaines
d’heures, la nuit à essayer de l’apercevoir. Et j’en vois ! »
Et
c’est ça qui est nouveau dans le Haut-Doubs. Le cerf était jusqu’ici
seulement un animal de passage dans la partie doubienne du massif du
Jura. On a retrouvé une rare photo d’un cerf tué par des chasseurs juste
après guerre près de Chaux-Neuve. Et puis il y a une dizaine d’années,
on a commencé à apercevoir quelques hardes sur les hauteurs de Mouthe.
On dit, au village, que certains habitants des hauteurs auraient du mal à
dormir sur les alpages en période de brame.
«On a vu
des cerfs à Levier, à Pontarlier, sur les hauteurs… Ils sont à peu près
une cinquantaine entre Chaux-Neuve et Métabief »
« Les cerfs
arrivent petit à petit depuis environ dix ans », explique Patrick Salvi.
« On sait maintenant qu’ils s’installent. Leur territoire est assez
élargi. On en a vus à Levier, à Pontarlier, sur les hauteurs… Ils sont à
peu près une cinquantaine entre Chaux-Neuve et Métabief ».
Mais
le cerf bouge, la horde se déplace. Au printemps, c’est à supposer que
les hordes viennent s’installer dans les forêts comtoises du Jura mais
aussi du Doubs maintenant.
« C’est un phénomène naturel. Les cerfs
ont largement de quoi manger ici sans trop abîmer la forêt et il y a
assez d’espace pour qu’ils soient tranquilles. Et puis il y a cette
période du brame qui est totalement fascinante. Les grands mâles
solitaires toute l’année réintègrent la harde pour couvrir les femelles.
Ils tentent aussi d’appeler les femelles des autres hardes Et puis
parfois un jeune freluquet tente sa chance. Il se fait généralement
assez vite raccompagner. Le grand mâle est parfois chahuté par deux ou
trois jeunes. Il se met dans un état incroyable, il bave, il transpire,
il est capable de perdre jusqu’à 20 % de son poids ce qui n’est pas rien
pour une bête de 200 kg ».
Et puis un jour le grand cerf se fait à
son tour « raccompagner » par les jeunes. Il a perdu. Il s’en va,
laissant aux autres, aux plus vigoureux, le destin de sa race. « Et là
on ne sait pas très bien ce qu’il devient », dit Patrick Salvi. « Il
finit sa vie en solitaire. Le cerf ne fait pas partie de la harde qui
est conduite par la biche meneuse. C’est elle qui commande. Oui c’est
comme une société matriarcale ».
L’arrivée du cerf dans le
Haut-Doubs est observée de très près par les naturalistes, les chasseurs
qui disposent désormais d’une vingtaine de bracelets et les techniciens
cynégétiques. Un programme interreg associant la France et la Suisse
s’est déroulé pendant trois ans pour tenter de piéger les animaux, les
endormir les baguer et les suivre pour connaître leurs mouvements.
L’étude s’est terminée à la fin de l’année dernière. Elle prolongeait un
précédent travail de suivi mené entre 2006 et 2008. « Mais si les cerfs
sont très nombreux dans l’Ain, dans la partie Suisse jusqu’à Genève et
dans le Jura, il est beaucoup plus compliqué de les piéger dans le
Doubs. Hélas, il n’a pas été possible de baguer ceux du Doubs malgré les
centaines de tentative. Dans le Doubs, même avec de nombreuses
observations permettant de le connaître mieux, le cerf garde un peu de
son mystère ».
Les études intéressent également le monde
sylvicole, inquiet de ce retour pour les dégâts occasionnés aux arbres.
Mais les études cette fois-ci très précises montrent que le risque est
très limité.
« Pour autant, nous sommes contraints de réguler
cette population par un plan de chasse précis », explique David Clerc,
technicien à la fédération de chasse du Doubs et grand spécialiste du
cerf. « Il s’agit d’éviter la prolifération. Des bracelets sont délivrés
aux associations de Mouthe et de Villedieu depuis 2010. On fait évoluer
leur nombre en fonction des comptages ».
Cette évolution
naturelle de la population cervidée provient aussi tout simplement de la
nécessité de gagner d’autres territoires favorables puisque les
populations sont en hausse permanente sur le massif jurassien. Et tout
simplement parce qu’il n’y a pas d’autre prédateur que le loup pour un
animal aussi puissant. Le lynx ne s’en prend pas aux cerfs, hormis
quelques cas très particuliers.
«Un moment particulier»
Dans
le Haut-Doubs, la période du brame du cerf est aujourd’hui devenue une
sortie incontournable à la tombée de la nuit. Une véritable attraction
qui attire de plus en plus d’amateurs, fins naturalistes comme curieux,
bardés d’appareils photos, de caméras et de portables. « Il vaut mieux
les laisser tranquilles », dit Patrick Salvi. « Vraiment. C’est un
moment particulier pour eux. On voit maintenant des gens s’approcher,
essayer de les prendre en photo ou de les filmer. Mais ça dérange tout.
Une fois, il m’est arrivé de me faire charger avec mon épouse. Le grand
mâle nous a raccompagnés nous aussi. Il n’y a pas eu de problème, mais
c’est quand même impressionnant et il peut se produire des accidents ».
Il
y a deux ans la fédération de chasse et le centre permanent
d’initiation à l’environnement avaient conjointement organisé des
sessions d’écoute sur des postes fixes, à distance des aires de brame.
Ces opérations pourraient être reconduites.
« Mais il est tout à
fait possible de profiter du brame en lisière des chemins, sans
s’aventurer dans la forêt », explique David Clerc. « Les amateurs
doivent rester à distance pour ne pas tout perturber ».
À
distance, donc, le spectacle sonore est une expérience étonnante sur les
hauteurs de Mouthe. Les longs cris rauques et remplis d’espoirs du
grand cerf résonnent dans les vallées et à travers les bosquets, ils
font vibrer toute la forêt. Et puis lorsque l’oreille s’affine et
s’habitue au silence de la nuit, on peut deviner d’autres brames plus
lointains. Il est possible que les cerfs appellent les biches. C’est le «
brame de langueur », presque mélancolique, une sorte d’appel langoureux
et traînant. Il y a aussi le « brame de défi », un cri plus court et
plus aigu destiné aux autres mâles. Et puis il y a le brame de présence,
un cri très court, destiné à tous ceux qui veulent bien entendre.
Quand
c’est l’heure de la bagarre, il arrive d’entendre le choc des bois qui
se cognent. Les luttes sont généralement d’intimidation mais il arrive
que certains cerfs soient blessés ou même tués lors de ces
affrontements.
Le cerf est en rut pendant environ un mois. Et les
périodes de rut sont généralement plus précoces quand l’été a été
favorable. Une période qui couvre celle des chaleurs des femelles qui,
elles durent seulement une demi-journée. Un grand mâle peut couvrir
entre 10 et 20 biches, dans sa harde ou au sein des hardes voisines.
Et
puis quand vient la fin du brame, le cerf épuisé quitte à nouveau son
groupe pour aller se refaire une santé avant l’hiver et reprendre du
poids. Et c’est d’ailleurs un moment où ils trouvent la nourriture en
grande quantité avec les herbacées et les glands à profusion.
«
Pour moi, c’est une passion », dit Patrick Salvi. « J’en rêve la nuit.
Il m’arrive de rester des nuits entières à les pister, pour le simple
plaisir de les apercevoir. La nuit dernière, j’en ai observé onze au
total. Je suis rentré à quatre heures du matin. Ils sont tellement plus
malins que nous. Ils apparaissent, disparaissent, d’une façon
majestueuse. Quand un grand cerf perd ses bois, il a tellement honte
qu’il se cache au plus profond des forêts. C’est très difficile
d’apercevoir un mâle sans bois ou au moment de la repousse. Et puis tout
à coup ils réapparaissent, superbes, avec tous leurs bois. C’est
magique ».
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vous êtes en retard. L'espèce cerf est présente depuis plus de deux ans sur le plateau de Trévillers, Les animaux ont migré (c'est à la mode) depuis la Suisse voisine et ce sans papiers, ce qui est intolérable ! qu'attend la garderie pour reconduire ces intrus à la frontière ?
RépondreSupprimerfrançois