La journée
de ce mardi 4 août passe vite pour moi, et je dois me dépêcher. C'est mon
deuxième jour de congés d'été et le bricolage prévu pour cette période
m'occupe. Mais je dois aussi aller m'occuper de ce brocard qui m'a mystifié au
soir du 13 juillet. J'ai donc déplacé mon tree-stand et c'est donc à nouveau
plein d'espoir que je me rends sur mon perchoir.
A 18h10, je
suis en place, je viens de me sangler et un mouvement sur ma gauche, à une
grosse trentaine de mètres, attire mon attention. Le jeu d'ombres et lumières
et le feuillage forestier ne me laissent pas voir plus que 4 pattes rousses qui
se déplacent. Mais ça suffit…
J'ai déjà
vécu ce genre de situation, plusieurs fois… Le gibier se présente alors que je
ne suis pas encore installé. Non seulement, je ne suis ni cagoulé ni ganté –
ils sont encore dans mes poches – mais mon arc est encore en train de se
balancer tranquillement, au gré de la brise, au bout de ma cordelette, quelques
3 mètres en dessous de moi.
En quelques
secondes, je réussis à le récupérer, non sans l'avoir fait balancer
dangereusement au cours de son ascension à travers le feuillage, la cordelette
rapidement décrochée de l'arc et "jetée" à mes pieds, sur la
plateforme. Pourquoi est-ce toujours dans ces moments d'urgence que les
branchettes et feuillages semblent se liguer contre nous, s'accrochant à l'arc
autant qu'elles peuvent, et que la cordelette leur prête main-forte en refusant
obstinément de quitter l'arc, s'enroulant autour des branches, des cames, etc
?…
Bref, ma flèche
est encochée et j'attends ce quadrupède de pied ferme, pour peu qu'il n'ait pas
deviné tout le "chambard" que j'ai eu l'impression de faire en ces
instants…
Les secondes
s'égrènent et rien ne se manifeste. Je commence à me demander si je n'ai pas
été victime d'une HDC(*). La tension n'a pas le temps de retomber que les
feuilles sèches craquent, sur ma droite cette fois. Un brocard est là, à 15
mètres environ, et s'approche au pas, calmement, mais sans s'arrêter… Comment a-t-il
fait pour passer de ma gauche à ma droite sans un bruit ? Je remarque de suite
qu'il ne s'agit pas du brocard du 13 juillet, son trophée n'est pas le même,
mais je ne suis pas difficile… J
Le petit
imprudent s'approche et s'arrête juste en dessous de moi, j'arme et attends
qu'il fasse quelques pas, mais non. Tranquillement, il tourne la tête d'un côté
et de l'autre et inspecte le paysage. Pourquoi ne sent-il pas mon odeur, alors
que les marches de mes "sticks" sont à quelques centimètres de lui,
et que j'y grimpais il y a quelques minutes ?
Les secondes
à tenir l'arc armé et incliné vers le bas me semblent des heures… Ça chauffe
autant dans le caberlot que dans les bras… Je n'arrête pas de me répéter
"continue à tirer en arrière, continue…" pour ne pas me faire
"ramener" brusquement par la came…
Il se décide
finalement à faire ces deux pas qui seront ses derniers, ma visée est bien
calée sur sa colonne vertébrale et le projectile ne lui laisse aucune chance…
Pendant 15 à 20 secondes, il dévale lentement le petit talus en
"pédalant" de manière désordonnée, puis le calme revient dans la
forêt, définitivement…
Dans les
minutes qui ont suivi, j'ai compris comment il avait fait pour passer de ma
gauche à ma droite aussi vite et discrètement ; ils étaient deux. Il était
sûrement un intrus en visite sur le territoire, et venant voir cet objet qui
bougeait au pied de cet arbre, en sauvant peut-être la vie du proprio du coin…
Ce 4 août,
cela a fait 29 ans que j'ai rencontré celle qui deviendrait mon épouse, et je
me suis demandé, en ramenant ma victime jusqu'au parking de chasse, si ce
cadeau d'anniversaire de rencontre serait vraiment apprécié… JJJ
En observant
le trophée, j'ai remarqué, derrière les meules, sur le haut de sa nuque, un
lambeau de peau de 5x2cm environ, presque complètement décollé, et sous lequel
la chair était entièrement cicatrisée, sauf en un point ou une mouche à dû
pondre et sa larve faire son nid. Je ne sais pas quel type de blessure il a pu
avoir. C'est peut-être ce qui explique l'irrégularité de son trophée, c'est un
"5 pointes", aux bois pas très hauts, mais massifs, foncés et bien
perlés, et aux meules jointives.
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Arc
Mathews Heli'm 62 livres.
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Lames
Stryker Magnum 125 grains.
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Poids
du brocard : 21 kg plein.
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Distance
de tir : 3 ou 4 mètres.
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Distance
de fuite : guère plus…
(*) : Hallucination de Début de Chasse, lorsque la motivation
vous joue des tours en transformant n'importe quel mouvement de branche ou de
végétation en gibier.
A ne surtout pas confondre avec HFC, Hallucination de Fin
de Chasse, lorsque la lassitude d'un affût ou d'une battue trop calme laisse
l'imagination combler l'ennui.