Lundi 12 octobre, 16h30 il fait
frais mais sec, assez lumineux après un weekend météo très mitigé et je décide
de retenter, pour la douzième fois cette saison, une
sortie "chamois".
Notre territoire de chasse, à
Saint-Georges-Armont, est divisé par le passage de l'autoroute. Chaque partie
est fréquentée par des populations de chamois, à priori séparées par un pont
mais nous sommes certains que quelques mâles vagabonds vont et viennent de
chaque côté.
Cette année deux bracelets nous sont
attribués : un éterlou/éterle vers le village et les monts auxquels il s'adosse
et un mâle plus bas, vers le Doubs. Avec Xavier, mon compagnon de chasse à
l'arc, nous avons équipé ces deux zones de tree-stands et échelles (bien sûr
après moult observations, débats et cogitations comme tous chasseurs à l'arc
qui essaient d'établir des stratégies gagnantes).
Mais jusqu'à ce jour les chamois
sont remarquablement absents. Je fais néanmoins une sortie
"mémorable" début octobre, en bas, sur une échelle. Ce soir-là, à
cause du vent d'ouest qui m'est défavorable, et que je n'ai pas assez pris en
compte, une compagnie entière me donne une bonne leçon d'humilité en
m'éventant. Une vieille femelle vient à quelques mètres, repère mon odeur,
fait demi-tour et pendant une demi-heure, la troupe piétine derrière moi,
indécise, avant de se forcer un passage dans des épines noires afin de
rejoindre un pâturage. Quand la lumière sera trop basse, je verrai enfin un
mâle, quelques éterles et une femelle mais c'est trop tard pour flécher à bon
escient et je les regarde passer, "blasé" mais presque soulagé
de pouvoir remuer après une attente aussi "tendue".
Ce soir, je "tente" le
mont derrière le village, au point le plus haut de notre territoire, au lieu-dit
des carrières. Deux tree-stands sont installés de part et d'autre du chemin
forestier et je choisi le plus ancien. II est prêt d'une petite falaise et je
suis mon intuition bien que je n'ai vu aucun indice de fréquentation en
parcourant le chemin de montée... Waterloo morne plaine.. pas
d'empreintes, de crottes, nada.
17h je suis "perché" dans
mon orme. Il y a quelques hêtres autour et plus près du sol des
noisetiers. Je profite du spectacle d'oiseaux affairés à la recherche de
leur pitance, grimpereaux, mésanges et troglodytes et j'écoute le cri tellement
typique d'un pic noir tout proche. Je ne me fais pas d'illusion. Peut-être
verrais-je un renard ? Même eux sont devenus rares. On parle d'un lynx vu sur
les communes limitrophes de Clerval et d'Anteuil. Cela explique-t-il ce silence
et l'absence d'allers et venues de chamois dans ce secteur ? bref, je
reste assis et je m'apprête à contempler le spectacle de ce morceau de forêt
qui va s'enfoncer doucement dans le crépuscule.
45 mn sont passées ; d'habitude, je
me lève régulièrement en douceur, histoire de ne pas figer mais là non, je
rêvasse…
Soudain un fruit de feuilles foulées
devant moi, un peu à ma gauche et un jeune chamois sort des noisetiers. Petites
cornes en dessous à peine des oreilles. Incroyable ! D'autant plus qu'il est
seul. Il a surgi comme ça, comme dans un rêve, et mon coeur s'emballe. Je
respire doucement pour reprendre le contrôle et je me concentre à l'observer, peut-être
une éterle.
Tout de suite, elle me regarde. Aie !!!
j'ai ma shaggie Camoléon, la cagoule, les gants etc.. mais elle
connaît son secteur et cette "chose" n'était pas là avant.
D'autant plus bizarre comme forme car je suis assis.
Et la torture commence. Pendant à
peu près une demi-heure, elle reste là, avançant de quelques petits pas, se
grattant, se léchant, regardant ailleurs et vers moi... toujours de trois-quart
avant ; Je me dis que c'est fichu. Au moindre début d'armement, elle me
captera.... Enfin elle avance pour me passer à droite. Enfin son
flanc droit s'offre en entier. J'attends un peu, commence à armer et
là, Misère !!! elle me regarde en plein, démarre et bifurque à angle droit,
fait trois mètres et ...s'arrête. Rien ne l'a poursuivie alors elle
écoute. J'ai fini d'armer dans l'intervalle. Elle est de trois-quart arrière, à
10 m environ. Je regarde la zone de la fin des côtes, près des lombaires ; Ma
flèche est partie et rentre juste à ce niveau, s'enfonce en biais dans la cage
thoracique (la lame ressortira un peu à la base du cou).
Elle détale et fonce vers la pente.
Le dernier quart de la flèche sort encore. Elle disparaît à ma vue.
J'écoute et compte. Quelques pierres qui roulent. Une fois, deux fois puis plus
rien. Je repense aux conseils de mes amis de l'ACAFC, bien mémoriser tous les
détails.
Je range mon matériel, descends mon
arc et mon sac à la corde, fais de même et puis c'est 40mn d'attente à
faire les cent pas sur le chemin forestier et à imaginer.
J'ai préparé ma lampe de poche, une
frontale (bien qu'il fasse encore clair mais bon...) et je descends enfin voir.
A l'anchuss rien. C'est normal,
elle part avec la flèche et je ne suis pas sûr d'avoir traversé. Je contourne
un groupe d'arbres, vois les feuilles retournées par sa galopade et des gouttes
de sang...
Je suis la piste facilement : feuilles
retournées et flaques de sang et puis à 50 m maximum, dans la pente, elle est
là. Tombée sur le dos et retenue par un tronc d'arbre mort.
OUF!!! je savais la
flèche bonne mais tant qu'on ne voit pas son gibier... tous les archers
connaissent ça!
La vie l'a quittée en fait presque
immédiatement et au dépouillage je constaterai le travail efficace de la bilame
!
Je lui rends les honneurs et me sens
dubitatif quant aux circonstances de cette chasse. Ça a tenu à si peu de
choses. Il y a bien des mystères autour de nos destinées, proies comme
chasseurs.
Je mets le bracelet, la redescend à
l'épaule vers le parking de chasse et vers mon ami Xavier qui est venu aux
nouvelles et pour m'offrir son aide, comme à chaque fois.
C'est ma deuxième éterle, je suis
très heureux et peut-être un jour, à force d'acharnement, je croiserai la route
et le destin d'un beau mâle ? qui sait ?
Bonnes flèches à tous !
Arc tradi "turek" à
siyahs, de Rozebow, 50 livres. Flèche carbone de 34gr, bilame affûtée.