François
PIGNON (Alias SAM) à l'école des Faons...
Une
école de la vie sauvage. (Vie sauvage inaliénable de la mort)
Nous
entamons notre dernière journée de séjour Gapençais 2017 et, l'esprit est déjà
un peu sur la route du retour, c'est donc fourbu et un peu l'âme en peine que
je me prépare ce jeudi 26 Octobre au petit matin...
Toujours
les mêmes rituels, le levé, le petit déj' avec l'équipe (Accompagné de quelques
vannes qui détendent l'atmosphère!) puis la préparation active du commando:
Nettoyage des corps au savon sans odeurs, prise en possession des fringues
ajustés la veille, matériel paré: sac rempli de nourriture et de rechanges,
vérification de l'absence de bruits parasites, vérification des flèches et de
l'arc puis enfin avant de partir la séance de maquillage du visage...
Il
est 7h00 de l'heure d'été et nous partons pour le col où sera garé le véhicule,
400 m plus haut en altitude. On passe vers le bois dit des Boas, puis le
sentier qui mène au passage dans la falaise... Une HDC me prend soudain et
m'oblige à une esquive de mobilisation... Fausse alerte, là dans la pénombre du
petit matin, ce sont des ombres qui jouent avec mon attention. Puis au bout de
100 m un bruit de ruade dans l'épais en dessous de nous, je devine la masse
d'un sanglier se dérobant et s'apprêtant à passer devant nous sur le chemin.
Aussi leste que possible je prends une flèche et m'apprête à tirer une bête
passant à une petite vingtaine de mètres de moi, c'est alors que Christian, me
suivant s'approche et me susurre à l'oreille, "il est loin". A ce
moment là, c'est panique sous le crâne, je suis pris d'une violente crise de Buck-Fever
et quand le sanglier se présente en plein travers mes synapses et neurones sont
comme déconnectés, impossible d'obtenir un point figé et sûr dans ma cible. Le
point du viseur danse la farandole entre l'échine du suidé et le sol… Je
reprends ma respiration, est pense me concentrer correctement quand je décoche
dans un état psychologique, disons,… Ouateux!
Le
résultat est à la hauteur de ma performance, je passe juste sous le poitrail de
la laie qui ne s'aperçoit de rien et nous donnera presque, un moment seulement,
l'illusion d'avoir fait mouche!
Je
me maudis, ce séjour je le sentais bien et me sentais en confiance car avant
d'y venir j'étais à deux flèches tirées pour deux animaux tués et ce sanglier
est le troisième animal loupé comme un sagouin, nous passons la falaise, je n'y
prête même pas attention tant je rumine contre moi-même. A l'entrée du bois qui
suit la falaise ce sont trois bartavelles qui me passent devant, encore un de
ses spectacles rare qu'il convient de savourer.
Puis
nous cheminons aussi discrètement que possible à travers le bois pour une heure
plus tard, prendre position.
Le
temps s'égrène alors inexorablement, les secondes sont dédiées à la
contemplation de ce superbe coin sauvage des Hautes Alpes. Mes pensées
divaguent vers quelques songes du temps passé à poursuivre les cervidés là haut
dans les pelouses au dessus de la forêt… Le grand Benj doit actuellement y
pratiquer cet art extrêmement passionnant d'approcheur/rapprocheur et s'il
travaille bien, il nous poussera les éventuels animaux qu'il ne pourra
approcher pour tirer… Cela fait bientôt deux heures que je suis en place tout
en shaggisé (Ohé-Ohé!!) et comme un signe du destin (Pas giscardisé celui là!),
l'oiseau porte bonheur du Sid vient se poser devant moi à quelques centimètres
du visage. Il s'agit d'un grimpereau. Il me dévisage et comme semblant vouloir
poursuivre sa fuite initiale il repart. J'entends alors des bruits dans la
feuille, cela me vient dans le dos. Je suis à mauvais vent mais m'étant
installé sur un léger promontoire surplombant le terrain dans mon dos et dans
une fourche de sapins, j'ai mes chances… et j'y crois.
Quelques
secondes passent quand une silhouette se présente plein travers à une trentaine
de mètres de moi, je reconnais très vite l'allure juvénile de ce que d'aucuns
pourraient prendre pour une chevrette nourrie aux amphétamines/Red-bull/Guronzan/Jus
d'orange/Aptonia gel 9000 et JAEGER-MASTER! Il s'agit d'un faon de cerf, les
pas qui le suivent me prouvent qu'il n'est pas seul (comme je pouvais m'en
douter) je "zieute" entre les bois et j'aperçois une biche deux
bichettes plus deux grands cervidés dont un que j'analyserai à coup sûr comme
un daguet (ayant fini son opération).
Le
faon mange tranquillement en se déplaçant de ci et de là sans se douter de ma
présence. Il se situe sensiblement à la même altimétrie que moi ce qui
n'occasionne pas, pour ceci, de tir à corriger. En revanche, pour la distance,
c'est une autre paire de manche… Il faut qu'il se rapproche de moi…
11h00,
tout semble figé, les animaux mangent paisiblement à proximité de moi et mes
pulsions cardiaques sont redescendues à son rythme normal. Le faon pris par je
ne sais quelle motivation décide alors de venir plus près de moi… Mon dieu!
Plus près de moi! Mon dieu!
Une
souris sort alors des feuilles, quasiment à mes pieds, et semble m'implorer la
non-violence. Elle a du me sentir déterminé et disparait aussi vite qu'elle
m'est apparue.
Il
ne pourra pas être beaucoup plus proche il doit être à environ 25 m, je sais
tirer à cette distance, même si je n'affectionne pas cela. (Durant l'été avec
Momo nous tirions régulièrement à ces distances là sans que cela ne pose le
moindre souci !) J'arme mon arc et "pose" le point lumineux de mon
viseur sur la ligne de sont dos à l'aplomb de la cage thoracique. Un dernier
mouvement de rotation sur les chevilles et je serai parfaitement placé pour
décocher. Ce dernier mouvement aura permis à l'un des cervidés qui accompagnait
ce faon de percevoir ma présence (A moins que ce ne soit une saute de vent!)
S'en suit un raire guttural puissant à vous faire pâmer. Le faon se met en
alerte et tente de rejoindre ses congénères il passe au pas entre deux arbres
et je décoche une flèche qui le prend légèrement de 3/4 arrière en entrant
entre panses et reins. Il était entre 25 et 27 mètres. Je me dis "flèche
très moyenne" mais qui peut faire du dégât, il me faudra "juste"
attendre… N'est ce pas Monsieur PIGNON, c'est juste qu'il faudra attendre!
Toute
la smala détale à la décoche je vois les bichettes me passer en contre haut et
entend le raire puissant de la biche qui part doucement en contre bas avec les
coiffés plusieurs fois (Une quinzaine de fois en toute et pour tout!) ces
raires rappellent les jeunes animaux.
Mon
faon est bien atteint, j'en suis convaincu, et le doute m'habite. L'effet (journal)
de harde n'aurait-il pas embarqué "mon" animal avec les autres dans
une course effrénée jusqu'à Ouarzazate, voire Vladivostok???
Il
me faut patienter… Je viens de tirer, il est 11h03 j'attendrai 11h30 pour aller
analyser ma flèche… le film repasse en boucle, revoir les arbres ou je l'ai vu
longer, analyser le canal du tir et l'emplacement de l'animal à l'anschluss,
bien analyser l'anschluss… L'analyse de la flèche à l'anschluss devient alors
une obsession!
Il
est 11h32, je me décide à pas feutrés à me rendre à l'anschluss, je prends
d'infinies précautions pour ne pas alerter la forêt en marchant sur les
"excédants de l'usine VICO" déversés ici par les érables.
"Prendre
mon arc??? Pour examiner simplement la flèche à l'anschluss??? Quelle idée
loufoque!!! Tu vas juste (Monsieur PIGNON) analyser ta flèche et tu reviens
prévenir les autres depuis ton poste et tout va bien aller…"
Tout
aurait du bien aller… Aurais-je du alors me suggérer!
A
mi parcours de flèche, j'entends un bruit à quelques décamètres de moi, le faon
est couché (Mal en point!) sous un gros sapin à 40 m de l'anschluss et je me
sens alors nu comme un vers fiché sur un hameçon au milieu de la friture qui
lorgnerait sur moi. Je m'immobilise il ne semble pas m'avoir capté. J'imagine
opérer un repli stratégique mais c'est à ce moment précis qu'il me fixe, il
tente de bouger ses postérieurs mais il en a le plus grand mal. Je ne suis pas
bien fier car il ne doit pas être bien… Il réussit à se relever et part au pas
avec une démarche de zombie… Je suis dépité! Je reste planté là et attend qu'il
disparaisse de ma vue pour terminer ma quête de l'anschluss puis revient à mon
poste…
Comme au petit matin je me maudis à nouveau, j'appel au secours pour un
pistage qui va être douloureux pour le moral de l'un et le physique de l'autre.
Le grand Benj arrive vers moi juste après mon vieux frère de Sid. Je leur
explique le topo. Ils sont plutôt confiants et me proposent de prendre le repas
et de partir ensuite faire la recherche… la faim n'arrivera jamais à me trouver
dans ce bois!
il
est pas tout à fait 12h25 quand nous décidons de commencer la recherche en nous
essaimant perpendiculairement à la courbe de niveau du flanc de la montagne. à
la reposée ou je l'ai vu mon faon a perdu du sang noir. La couleur me fait
reprendre espoir quand une cinquantaine de mètres plus loin je le vois se lever
à nouveau. Ce n'est plus BAMBI, mais TERMINATOR. On fait marche arrière et
rappelons Chris et Simon à la rescousse, il va falloir plus de temps pour faire
une recherche en bonne et due forme (Même si tel que je le l'ai aperçu cette
dernière fois, ce faon semble au bout!)
Nous
reprenons la recherche à 14h35, je suis d'un pas dépité le Grand Benj qui me
précède avec ses jumelles rivées sur les yeux, soudain il se fige et se tourne
vers moi me disant "Je ne suis pas certain à 100% mais je crois l'avoir
vu!" Sid prend alors son APN et zoom pour se rendre compte qu'il s'agit
bien de mon faon qui est étendu de tout sont long et que des mouches arrivent
déjà sur son flanc.
Je
m'approche fébrile de cet animal imposant, mon dieu qu'il est beau, comme
l'émotion m'a envahi je ne peux plus dire un mot et levant mes yeux vers mes
compagnons je m'aperçois que cette émotion a pris à la gorge le reste de
l'équipe si bien qu'elle tire quelques larmes à mon ami Sid et le grand Benj
est devenu livide comme un anglais albinos sur la banquise durant les 6 mois de
nuits polaires…
Il
est temps de rendre les honneurs et de s'occuper de la venaison car les
températures estivales risquent de compromettre l'intégrité de cette viande. On
partage les charges, Benj prendra mon sac, Sid me prend une gigue (L'animal
pesant vif pas loin de 80 kg) et, surtout il faut le dire ici, Christian se
prête au rôle de sherpa en prenant les abats et filets dans son sac à dos… A
l'aube de ses 60 printemps, cette contribution de quasiment 8 kg mérite un coup
de chapeau tout particulier.
Nous
entamons alors le retour, les 23 kg sont moins pénibles que les 40 kg d'un
mouflon, mais le sentier est long et truffé d'irrégularités géologiques qui
rendent le retour très sportif pour le dos et les articulations (Après
expérience je préfère porter moins longtemps sur un sentier propre 40 kg de
venaison sur le dos que 23 dans un long sentier parsemé d'embuches.
Une
fois le grand Duc passé, nous avons eu Yop qui aura eu le temps de revenir au
gite avec un chevrillard qu'il a tué le matin juste avant mon tir et il nous a
fait l'immense plaisir de nous attendre sur le chemin avec les verres et le
champagne. Cette station salvatrice pour le moral ayant lieu là où le matin
même j'ai loupé le sanglier (alors que Yop l'ignorait totalement) cela
apportait encore une touche particulière à cette journée pleine d'motions et de
rebondissements…
La
nuit retombe paisible sur un séjour 2017 atypique qui se termine beaucoup mieux
qu'il n'a commencé.
La
soirée sera forte en émotions partagées avec notre sympathique guide ONF qui partagera
notre repas frugal et nos boutades sans égales.
Que
celui qui ose échafauder l'ombre d'une pensée que ce repas du dernier soir ait
pu être un diner de cons, parce qu'il y avait un PIGNON à table me jette la
première allumette!
Samuel
Journot