Début novembre, ma compagne et moi profitons
de l'ouverture de la chasse au chamois pour découvrir les emplacements de
chasse pour les archers sur la commune de Besançon. Dès les premières sorties,
beaucoup d'individus sont observés et à très courte distance ! Mâle, femelle,
éterlous... qui s'approchent de nous curieux.
Lundi 6 novembre, un ami non chasseur curieux
de la chasse à l'arc m'accompagne à l'approche au chamois. Lui à l'appareil
photo, moi avec mon arc traditionnel Black Widows, nous voilà crapahutant dans
les pierriers des monts de la cité des Séquanes. Le début du rut du chamois
commence bientôt, et nous tombons rapidement sur un couple de chamois à moins
de 20 mètres de nous. Le lieu est particulier, un fort dénivelé rocheux,
abondamment chargé de bosquets de noisetiers. Le tir est impossible et nous
décidons de nous faire discret en laissant passer les deux individus. Quelques
heures plus tard, nous repérons plus loin un individu couché au sommet d'un
grand pierrier. Il se trouve sur l'autre versant et l'heure tourne, la nuit
arrivera rapidement. Nous tentons une approche pour, au moins, capturer
quelques images.
L’ascension dans le pierrier fût un véritable
calvaire, nous sommes bruyants et manquons de glisser à plusieurs reprises.
Fatigués, nous arrivons à une plate-forme à mi-hauteur du pierrier. Malgré le
bruit, le chamois est toujours là, pas même effrayé, il est intrigué et nous
observe. Jumelles en main, je la regarde : une femelle, borgne de l’œil gauche.
Je comprends pourquoi elle ne prend pas la fuite : elle peine à nous
identifier. Soudain, un autre chamois, que j'identifie comme mâle, sort
brièvement derrière elle et retourne à la colline.
Je continue l'ascension vers elle, craignant
qu'elle ne décide de partir elle aussi. Arrivé à 14 mètres, une fenêtre de tir
se présente mais je prends conscience de la situation : je suis instable dans
le pierrier, la bête ne me quitte pas des yeux depuis le début de l'ascension
et la nuit tombe... Je fais signe à mon camarade d’arrêter ici l'approche.
Cette première grosse approche au chamois m'ayant
procuré un maximum d'émotions, je décide d'y retourner le surlendemain, seul,
gonflé à bloc et pleins d'espoir de retrouver ma chèvre borgne !
Retour sur le lieu de chasse avec pour seul
compagnon mon Black Widows. J'observe les environs et jumelle le pierrier monté
deux jours avant. Surprise ! Un chamois est présent au sommet, couché dans la
même position que ma chèvre de l'avant-veille !
Aujourd'hui, pas question de monter par
l’éboulis de roche, je décide de faire le grand tour en empruntant la forêt de
pin jouxtant le lieu de repos de l'animal. Après mon ascension (plus
silencieuse que celle de l'avant-veille), j'arrive à 25 mètres sous ma proie.
Elle se lève, m'aillant sûrement entendu, et arrive droit au-dessus de moi !
Je reste figé, mon cœur bat la chamade. Je
sors avec une extrême lenteur mes jumelles et l'observe : c'est ma chèvre
borgne ! Elle est à 20 mètres de moi. J'encoche alors une flèche sur mon
longbow. Les choses sérieuses commencent, avec une drôle de partie de
cache-cache où chaque pas est décisif. La chèvre se présente à moi, en plein
travers et me fixe de son œil vitreux, tendant l'oreille. Elle met à brouter et
j'en profite pour gravir quelques mètres.
L'animal redresse la tête, la tourne du côté
de son œil voyant mais ne semble pas me remarquer outre mesure car elle se
remet immédiatement à brouter. Ce petit manège se reproduit jusqu'à ce que je
sois à 5 mètres d'elle. Cette belle femelle chamois m'est présentée dans un
plein travers, à découvert dans un léger dévers. Mon cœur battant à tout
rompre, je prends une grande inspiration, arme mon arc et refais
instinctivement ce geste appris depuis plus de 15 ans. La flèche lâchée frappe
l'animal au bas de la cage thoracique, dans la zone du cœur et des poumons.
Elle part en courant !
Le grand stress d’après tir s’installe en moi. Je me mets à compter dans ma
tête le temps de course de l'animal. Au bout de 15 secondes, plus aucun
bruit... Commence alors l'interminable demi-heure d'attente. Ce délai écoulé,
je me dirige à l'anschuss mais, comme je m'y attendais sur ce gibier, pas une
goutte de sang n'est présente... je remonte la piste où j'ai vu partir le
chamois et vois enfin ma chèvre couchée sous un bosquet, à une distance évaluée
à 30 mètres de mon tir. Après retour sur le terrain la semaine suivante, il
s’avère que le chamois n'a fait qu'une quinzaine de mètres !
Superbe émotion et approche pour ce premier grand gibier ! Un accomplissement
pour moi et une fierté car j'ai réussi le défi de prélever à l'arc traditionnel
! En prime, un joli trophée pour cette chèvre de 6 ans, de 27,7 kg et 20,5
cm de cornes.
Merci à Sam, Pat et David pour leurs conseils et leur transition de savoir, à
Vic et Arthur pour leur soutien et les photos de chasse. Enfin, merci à Julien,
notre président d'ACCA qui guide et conseille ses archers pour en tirer le
meilleur !
Aloïs Beaufort