37,2 le matin
Pour ceux qui connaissent le film, cela peut paraître un peu
racoleur comme titre et il ne s’agit pas non plus de la température matinale
ressentie sous abri forestier, à moins de placer la commune d'Issans sous les tropiques.
Ce matin du 12 juillet après une nuit à chercher le sommeil
en vain, je décide de faire un tour à l’affût et de profiter du lever du jour
perché dans mon arbre..
Sur le chemin j’hésite entre les deux places que j’ai aménagées
pour cet été et me décide pour cette petite haie boisée qui borde une coupe
épaisse et qui m’a déjà réussi par deux
fois dans le passé. Il est 05h 10, je rejoins le tree-stand et m’y installe
dans le plus grand silence. A peine assis, dans la pénombre j’assiste à la
poursuite de deux chevreuils qui traversent
la haie à vive allure pour disparaître dans la coupe épaisse et là, je me
retrouve béat, triste, en pensant que je verrai que dalle et que le poste est
grillé.
05h45 dans le doux silence de la forêt en éveil, il me
semble entendre comme des aboiements ou des couinements assez loin. Cela
ressemble à des bruits de jeunes sangliers qui se chamaillent : l’envie
est là et l’imagination fait le reste …
06h00, je tente un coup de buttolo , histoire de réveiller
mes deux chevreuils s'ils sont restés dans les parages. 2, 3 petits coups
appuyés et instantanément cela bouge dans mon dos dans la coupe épaisse. Le
bruit de mouvement se fait plus présent et est accompagné de grognements :
sangliers !
Je vois arriver dans le talus d'herbe qui sépare la haie de
la remise une compagnie qui grogne souffle et navigue dans tous les sens. Je
distingue au moins 3 laies et des portées de poids différents à travers le
feuillage. Ils occupent le talus, bougent en permanence et je n’ai aucune
fenêtre de tir.
J’observe le manège quand dans mon dos, je perçois un
individu qui se décale des autres et déboule dans la haie par la gauche. Je
suis debout, j’arme et me décale doucement pour apercevoir une bête rousse à 6
mètres de la plate-forme et qui remonte tranquillement, me présentant son plus beau travers. Il fait
le poids à n’en pas douter, le viseur est calé sur le milieu du flan derrière
l’épaule, le doigt appuie sur la détente du décocheur !
Un petit couinement, suivi d’une course en arc de cercle qui
l’éloigne pour revenir en boucle à 15 m dans le talus et j’entends déjà le
bruissement des feuilles agitées par les petites pattes arrières.
Instantanément les autres se mettent en mouvement dans un
concert de souffles et de grognements. Ils s’agitent dans le talus, en allant
et venant vers le congénère qui rend l’âme. La plus grosse des laies viendra
sous le tree-stand en soufflant et grognant pour renifler presque le sang à
l’anschuss .
C’est impressionnant et cela dure au moins 20 mn : ce
n’est pas le moment de descendre ! Puis tout le monde se dissipe et je les
entends s’éloigner dans la coupe épaisse. Encore 10mn à attendre et être bien
sûr que je n’entende plus rien et je me décide à descendre. La flèche git en
terre devant moi, une rapide observation confirme la présence de sang sur la
longueur du tube. Je me dirige en coupant au droit dans le talus et retrouve la
bête rousse qui gît flanc à terre.
Rousse certes, mais un petit doute m’habite sur le poids
imaginé. Je la retourne pour voir l’impact et effectivement ça va être juste. La
vision en hauteur de l’animal a un peu écrasé la forme et il semble plus en
forme que prévu ! (la législation du tir d'été du sanglier dans le Doubs
ne nous autorise que le tir des moins de 40kg)
Je reprends mes esprits, un ou deux sms échangés pour
partager l’instant.
Retour voiture, à la recherche d’un peson et du bracelet. Je
saute sur Louis, le fils du Président qui
vient de se réveiller et je retourne en forêt avec mes instruments de mesure.
Une corde passée au-dessus d’une branche haute, le peson est accroché des deux côtés
et quelques tractions plus tard, j’aurai la confirmation : 37,2 !
Yes ! le bracelet est accroché.
La flèche rentre bien au milieu de la cage thoracique pour ressortir avec l’angle de tir à l’opposé
au niveau du coude, en perforant les deux poumons.
Je ne saurai pas dire si le buttolo a eu une incidence sur
l’arrivée de la compagnie de sangliers ou si c’était le fruit du hasard.
Les hommages sont
rendus à ce superbe animal, mes
pensées s’éloignent par-delà la frontière, la chasse est belle …
et Béatrice Dalle aussi (enfin un peu moins maintenant) !
Yop (Lionel Cordier)