Saint
Sébastien était d’humeur conciliante !
Il fait un temps gris, en cette
matinée du samedi 20 janvier, jour de Saint Sébastien, et de fortes
précipitations sont annoncées à partir de la fin d’après-midi.
Il est 8h30, j’approche
silencieusement de mon treestand, encore distant d’une centaine de mètres.
Il fait entre 3 et 5°C environ,
mais un petit vent frais, et tournant, réduit sérieusement la température
ressentie.
Tenue en laine polaire,
camouflage Predator, recouvrant pullover en laine épaisse, et sous-vêtements respirants,
chaussettes, gants, cagoule et bonnet chauds, bref, un équipement sérieux est
de rigueur si je veux pouvoir tenir mon poste jusqu’en fin de matinée.
Je ne suis pas à 50 mètres de mon
poste, qu’un chevreuil, placé derrière moi, m’aboie copieusement.
Ca commence bien !
Maudit vent tournant, impossible
d’anticiper quoi que ce soit, ça souffle doucement, mais dans toutes les
directions. Et toute la saison a été comme ça, sur les 3 treestands différents
que j’ai posés dès l’ouverture en des endroits tout aussi différents du
territoire de la commune.
Ca y est, me voilà perché,
attaché à ma sangle et arc en main, prêt à tirer. Combien de matinées d’affût
ai-je déjà faites, cette saison ? Au moins une quinzaine ? Le
scénario me semble se répéter plus ou moins, d’une année sur l’autre. Jusqu’à
la mi-novembre, je ne vois quasiment rien, le feuillage cache encore trop bien
les animaux qui sont très statiques. En décembre, j’en ai généralement un peu
marre et je fais une pause, puis je reprends en janvier. Sauf que cette année,
pas de pause de décembre, ou très peu, je suis sorti tous les week-ends, ou
presque.
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Mon treestand…
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et le panorama, lorsque j’y suis perché. |
Plusieurs occasions me sont
passées sous le nez, à cause de cette maudite bise… Au moins 2 fois…
A cause de la neige qui écrasait
la végétation, une autre fois, me masquant la fuite d’un joli sanglier, de
toute façon trop gros (pas de points sur l’ACCA cette saison)…
Puis à cause du grincement à
peine perceptible du caoutchouc froid de ma chaussure sur l’aluminium du
treestand, alors que je pivotais doucement pour ajuster mon tir, à 8 mètres,
sur un des 2 jeunes suivant cette chevrette qui se défilait discrètement… La chevrette
était à découvert, à l’arrêt, mais ses jeunes étaient encore dissimulés
derrière un gros buisson de houx, voisin de mon perchoir. Arc armé et doigt
prêt à effleurer la détente du décocheur, je n’attendais qu’un pas ou deux, du
premier des deux ados, et ce bruit infime m’a trahi en une demi-seconde :
la maman m’a immédiatement capté, m’a fixé 3 secondes environ, puis a détalé,
suivie des 2 rejetons qui l’ont imitée sans me laisser une seule chance… Et la
shaggie Camoléon n’y a rien changé ! C’était la semaine dernière…
Il n’y a
pas à dire, un tir réussi à l’arc, ça tient aussi beaucoup au détail !
Cette chevrette-là, prudente
comme elle est, va surveiller les arbres, dorénavant, c’est sûr !
Je suis encore dans mes pensées
que 2 chevreuils arrivent sur ma droite, ils sont au pas, à une bonne trentaine
de mètres de moi. Tout à coup, ils font un brusque demi-tour et s’enfuient…
Saleté de vent ! Malgré la danse folle de mes indicateurs de vent, je ne
vois guère d’autre cause possible à une fuite aussi soudaine. Ca fait 45
minutes que je suis arrivé. La matinée va être longue !
Une demi-heure plus tard, une
chasse approche, derrière moi. La voix grave des chiens et la direction
d’origine me renseignent, ils viennent de l’ACCA voisine et ne sont créancés que
sur sanglier. Méfiance !
Dans la forêt de taillis qui se
présente à ma gauche, ça va vite, puis, les chiens ont l’air perdus, puis
repartent sur leur pas. Le suidé poursuivi n’a pas l’air d’être tombé de la
dernière pluie et il a rusé. Je me tiens sur mes gardes, au cas où un animal se
débinerait discrètement… Mais non, rien, les chiens s’éloignent à nouveau…
Tout est calme. Le froid commence
désormais insidieusement à pénétrer les vêtements, les chaussures, les gants…
Soudain, 2 chevreuils arrivent à
nouveau sur ma droite, peut-être les deux mêmes que tout à l’heure… Sûrement.
En tous cas, ils ont la même taille. Une femelle, devant, puis un mâle ?
Oui, non ? Il me semble voir quelque chose entre ses oreilles, mais, en
même temps, ce n’est pas évident.
Cette année, je suis censé tuer
un mâle, ou un jeune de l’année. Sur mon ACCA, nous pratiquons le sexage du
chevreuil depuis 20 ans environ, moins pour respecter un quelconque sexe-ratio
dans les prélèvements, que pour obliger les chasseurs à l’arme à feu à
identifier clairement leur animal, sans tirer en pleine course, ou dans le tas,
selon les cas. A l’arc, je suis dispensé de sexage, mais j’essaie malgré tout
de m’y conformer le plus possible.
C’est donc sur ce deuxième animal
que se porte mon choix, il se présente de plein profil, à 14 ou 15 mètres.
L’arc est déjà armé, les mires "10 mètres" et "20 mètres"
encadrent la zone où j'imagine son cœur battre, à travers son épais pelage
d'hiver.
Soudain, la femelle fait
volte-face et effectue un brusque demi-tour, en tous points semblable à celui
de tout à l'heure. Son suiveur veut l'imiter, mais la flèche le percute en plein
thorax, avec ce bruit caractéristique évoquant des côtes sectionnées et un
corps creux perforé.
Tous deux s'enfuient en faisant une courbe dans les
taillis, ils sont en pleine course. Lorsqu'ils échappent à ma vue, j'écoute
attentivement, puis enclenche le chrono de ma montre. Il est 10h40 exactement.
Pour faire passer les 20 minutes
réglementaires, je prends mon temps pour ranger mon petit bazar : remettre la
housse étanche sur le siège de mon treestand, redescendre mon arc suspendu à
une cordelette, ranger le parapluie d'arbre (j'avais pris des précautions),
etc, puis je descends prudemment, et
silencieusement, de mon perchoir.
A l'anschuss, du poil, et la
flèche ensanglantée, plantée en terre, deux ou trois mètres derrière. Le sang
est rouge vif, je suis confiant. En même temps, je reste méfiant et attentif.
Pour avoir, trop souvent à mon goût, été bien refroidi en voyant une piste de
sang s'amenuiser jusqu'au néant, alors que la flèche et ses alentours me
mettaient dans la plus grande confiance quelques minutes plus tôt, je sais que
rien n'est gagné jusqu'à ce que l'animal mort soit sous mes yeux, ceux qui ont
déjà vécu ces instants de doute savent de quoi je parle...
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Deux mètres derrière l'anschuss…
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Les vingt premiers mètres
présentent une piste au sang abondante, de grosses taches de sang sont visibles
assez haut sur la végétation environnante, c'est facile à suivre…
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Comme
souvent, ça paraît gagné d'avance… Au début… |
Je me dis qu'avec une telle
quantité de sang perdu, il ne s'en remettra sûrement pas, mais les raisons
citées plus haut maintiennent ma méfiance et ma concentration sur la recherche.
Bien entendu, ce qui devait
arriver, arriva, les cinquante premiers mètres parcourus, la piste au sang
devient beaucoup moins facile à suivre, les gouttes sont plus petites, et
beaucoup plus rares. Mes recherches me mènent à la traversée d'un chemin, 2
minuscules gouttes au beau milieu de cette sommière, puis, plus rien. J'ai beau
chercher dans plusieurs directions, rien n'y fait.
Cela fait maintenant une heure
que j'ai tiré, je décide d'appeler Frédéric, conducteur de chien de sang, qui
arrivera en début d'après-midi.
Rien ne sert de polluer davantage
la piste, je prends le chemin du retour jusqu'au parking de chasse.
Je n'ai pas fait 100 mètres,
qu'un sanglier traverse la sommière à cinquante mètres de moi. Sûrement le rusé
de ce matin… Un animal de 70 ou 80 kg, et comme nous n'avons pas de points…
Aujourd'hui, j'aurai vu plus de
gibier que durant tout le mois de janvier…
Un repas chaud est avalé et une
tenue vestimentaire plus "light", plus adaptée à une recherche qui
peut encore nous réserver des surprises, est choisie.
Et c'est là que j'oublie de
reprendre mon arc, ma veste de chasse, et ma shaggie Camoléon en prévision de
la photo… Damned !!!
Frédéric me retrouve à l'heure
convenue et, tandis que nous faisons le chemin séparant les voitures de mon
spot, il m'apprend que ce sera la première recherche sur chevreuil pour sa
jeune chienne Bella, dont il ne tarit pas d'éloges.
Nous arrivons sur place, je lui
indique l'anschuss, nous inspectons la flèche laissée sur place, plantée en
terre, et Bella commence immédiatement un travail minutieux et systématique.
Lentement, méthodiquement, elle renifle le sol en explorant différentes
directions, puis se met sur la voie.
Nous arrivons au chemin, là où
j'ai perdu la trace ce matin, en seulement quelques minutes. Bella recommence
son travail d'exploration méthodique dans plusieurs directions et, rapidement,
se décide sur une pente douce, dans des layons à travers les ronces. Trente
mètres plus loin, nous découvrons de jolies gouttes rouges, puis carrément de
petites flaques de sang. Fred me dit que le chevreuil a dû se reposer là. Espérons
que nous ne l'avons pas relevé. Cela fait tout de même plus de trois heures que
j'ai tiré.
Encore une vingtaine de mètres où
la piste est facile, et il est là, couché, raide mort !
La blessure est conforme à ce
qu'il m'avait semblé voir, dans le "feu" de l'action, l'atteinte est
pulmonaire, la cage thoracique est transpercée, de plein profil. En revanche,
l'angle plongeant, depuis le treestand, est carrément invisible. On pourrait
croire que cette flèche a été tirée du sol.
Bella s'en donne à cœur joie, et
tire le poil de ce jeune brocard, au trophée vraiment pas ordinaire : 2
minuscules pointes en velours, complètement orientées vers l'arrière, ce qui
explique le mal que j'avais eu à proprement l'identifier avant le tir.
Frédéric a carrément les larmes
aux yeux en voyant sa petite chienne savourer son premier succès sur chevreuil.
Après analyse des différents
indices, Fred m'explique que ce chevreuil, s'il n'avait pas été accompagné,
n'aurait sûrement pas parcouru plus d'une cinquantaine de mètres avant de se
coucher. Mais voilà, il a voulu suivre son congénère jusqu'au bout, et a
multiplié par cinq la distance en question. Avant de traverser la sommière,
zone découverte et dangereuse s'il en est, ils ont accéléré, d'où la
raréfaction du sang, mais il a payé "cash" ce dernier sprint les
secondes suivantes, probablement…
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Photo
bien peu présentable, juste pour donner un aperçu de ce trophée atypique.
Pardon, mon biquet ! |
Arrivés à la voiture, nous
décidons de prendre quelques photos, et je me démène avec le retardateur de ce
satané appareil photo, en vain. Mes victimes sont si rares que je n'ai aucune
habitude avec ces sophistications, pourtant bien pratiques, en principe.
C'est alors qu'un automobiliste
nous voit, s'arrête, fait marche arrière, se gare, et nous propose de nous
prendre en photo… Sympa, non ?
Qui a dit qu'il n'y a que des
gens hostiles à la chasse, parmi les non chasseurs ?
Un grand merci à Frédéric et à
Bella !!! Ils ont fait un travail formidable, et même si cette recherche était
en fait facile, pour une première sur ce gibier, c'était un coup de maître !
Nul doute que Bella va faire un chien de sang d'une qualité exceptionnelle !
Et un grand merci à Saint Sébastien,
aussi !!!
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Arc Mathews Heli'm de
62Lbs à 27.5" d'allonge.
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Fût carbone Gold Tip, qui
en est à son quatrième chevreuil et un sanglier traversés, dont 2 chevreuils
avec une lame Striker Magnum, en chasse d'été, et le reste, dont celui-ci, avec
la même lame QAD Exodus de 125 grains. Après nettoyage, séchage, et réaffutage
des tranchants, elle est à nouveau bonne pour le service ! Loin de moi l'idée
de faire de la concurrence à Grand Sid, mais juste pour donner une idée de la
résistance de ce type de lame.
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Distance de tir : 14
mètres.
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Poids du chevreuil : 22 kg
plein.
Sylvain Mollier