L’État se dit propriétaire de parcelles privées en baie de Somme. Selon lui, elles seraient sur le domaine public maritime.
Une vingtaine de propriétaires de mollières de Lanchères, Pendé, Saint-Valery-sur-Somme, c’est-à-dire des parcelles de la baie de Somme baignées par la mer pendant les grandes marées, ont appris en 2011 qu’ils n’étaient pas vraiment chez eux.
Dans un courrier daté du 7 juin 2011, Paul Girard, directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM), leur annonce qu’à la suite d’« un constat de la limite atteinte par la mer lors de la marée d’équinoxe » du 21 mars 2011, les terrains appartiennent au domaine public maritime. Donc à l’État, et ceci malgré leurs titres de propriété et le fait qu’ils ont toujours payé les taxes foncières.
De ce fait, Paul Girard demande aux propriétaires concernés de solliciter, avant le 30 juin suivant, une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime pour qu’ils puissent continuer d’y exercer « légalement » leur activité. En fait, la chasse, puisque ces parcelles comportent des huttes. Le directeur départemental des territoires et de la mer somme les personnes concernées d’adhérer à l’association de chasse de la baie de Somme, bénéficiaire du bail de chasse sur le domaine public maritime.
En bref, les propriétaires ne le sont plus, et n’ont plus le droit de chasser sur « leurs » mollières sans être adhérents à l’association. « C’est une atteinte au droit de propriété, qui fait partie des droits de l’Homme », dénonce Miles Wambaugh, président du collectif des propriétaires de mollières de la baie de Somme sud, « créé à cause de cette affaire. Par le bouche-à-oreille, on a appris rapidement qu’on avait tous reçu le même courrier. D’ailleurs, curieusement, seuls les propriétaires dont la parcelle dispose d’une hutte de chasse l’ont reçu ».
Révolution française
Miles
Wambaugh demande alors une entrevue avec le sous-préfet d’Abbeville de
l’époque, Philippe Dieudonné. Il lui indique que tous les propriétaires
concernés disposent d’actes notariés prouvant leur bonne foi. L’affaire
s’engage plutôt mal : pour qu’un terrain soit considéré comme faisant
partie du domaine public maritime, il suffit qu’il soit baigné par la
mer lors des grandes marées. Dans un courrier du 8 juillet 2011, le
sous-préfet consent néanmoins à suspendre la procédure, et invite chaque
propriétaire à fournir les titres de propriété « avec recherche d’antériorité de propriété la plus complète possible
». En effet, il existe deux exceptions aux principes
d’imprescriptibilité et d’inaliénation du domaine public maritime :
« (…) seuls les droits et concessions accordés avant l’Édit de Moulins de 1566 et les ventes légalement consommées de biens nationaux (NDLR, les biens saisis aux aristocrates et au clergé pendant la Révolution française) donnent un droit de propriété sur le domaine public maritime », écrit le sous-préfet.
Le 12 septembre 2011, le collectif remet à la sous-préfecture d’Abbeville les premières pièces, « titres de propriété, extraits de cadastre, feuilles d’imposition de la taxe foncière », détaille Miles Wambaugh. La sous-préfecture envoie le tout au ministère de l’Écologie. Le 17 juillet 2012, le sous-préfet d’Abbeville réclame des preuves supplémentaires.
Miles Wambaugh et ses amis ne se démontent pas. « On a réuni tous nos titres de propriété », raconte-t-il. « Nous sommes allés aux Archives départementales pour retrouver les documents antérieurs. Grâce au personnel des Archives, on s’est rendu compte que tous les terrains situés entre la pointe du Hourdel et Saint-Valery ont été vendus le 28 vendémiaire an IV, soit le 20 octobre 1795, par l’État, à des bourgeois d’Abbeville. Ils appartenaient auparavant au comte d’Artois, comte de Ponthieu, frère de Louis XVI, futur Charles X ».
Première victoire, donc, pour le collectif, qui correspond à l’une des deux exceptions citées par le sous-préfet. Ce n’est pas tout. « On est remonté à des concessions accordées à des laboureurs avant 1520, donc avant l’édit de Moulins », ajoute Miles Wambaugh. La deuxième exception est respectée.
Successions
Toutes
ces archives sont transmises le 9 octobre 2012 au sous-préfet
d’Abbeville. Ensuite, il a fallu attendre plus d’un an pour que l’État
réagisse, par un courrier daté du 20 novembre 2013, signé Jean-Claude
Geney, successeur de Philippe Dieudonné. Entre-temps, une expertise
juridique des documents a été faite, et le représentant de l’État
convoque le collectif à une réunion le 21 novembre 2013. Laquelle est
reportée, la veille du rendez-vous, « suite à un empêchement » du sous-préfet.
Depuis, presque trois ans après le premier courrier de la DDTM, Miles Wambaugh et les autres propriétaires attendent toujours. Contactée par le Courrier picard, la sous-préfecture d‘Abbeville se refuse à commenter le dossier, en raison « de la campagne officielle des élections européennes ». La réunion n’a pas été annulée, elle devrait se tenir après le scrutin, assure-t-on. « Des successions sont bloquées par des notaires », affirme le président du collectif, « car ces derniers attendent la suite des événements. C’est problématique pour les héritiers, car les défunts possédaient bien des titres de propriété ». Des ventes sont également suspendues. À l’office notarial Butel-Sigwald de Saint-Valery-sur-Somme, aucun notaire n’a voulu répondre à nos questions sur le cadre juridique général de ces blocages.
« C‘est pire qu’une expropriation », résume Miles Wambaugh. « L’État veut nous mettre dehors de chez nous, sans aucune indemnisation, alors qu’il a acheté des mollières similaires sur la commune de Boismont ».
Le président du collectif, fort des preuves historiques dénichées, garde néanmoins confiance.
DENIS DESBLEDS pour Courrier picard
Miles Wambaugh dénonce "une atteinte au droit de propriété, qui fait partie des droits de l’Homme" |
Une vingtaine de propriétaires de mollières de Lanchères, Pendé, Saint-Valery-sur-Somme, c’est-à-dire des parcelles de la baie de Somme baignées par la mer pendant les grandes marées, ont appris en 2011 qu’ils n’étaient pas vraiment chez eux.
Dans un courrier daté du 7 juin 2011, Paul Girard, directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM), leur annonce qu’à la suite d’« un constat de la limite atteinte par la mer lors de la marée d’équinoxe » du 21 mars 2011, les terrains appartiennent au domaine public maritime. Donc à l’État, et ceci malgré leurs titres de propriété et le fait qu’ils ont toujours payé les taxes foncières.
De ce fait, Paul Girard demande aux propriétaires concernés de solliciter, avant le 30 juin suivant, une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime pour qu’ils puissent continuer d’y exercer « légalement » leur activité. En fait, la chasse, puisque ces parcelles comportent des huttes. Le directeur départemental des territoires et de la mer somme les personnes concernées d’adhérer à l’association de chasse de la baie de Somme, bénéficiaire du bail de chasse sur le domaine public maritime.
En bref, les propriétaires ne le sont plus, et n’ont plus le droit de chasser sur « leurs » mollières sans être adhérents à l’association. « C’est une atteinte au droit de propriété, qui fait partie des droits de l’Homme », dénonce Miles Wambaugh, président du collectif des propriétaires de mollières de la baie de Somme sud, « créé à cause de cette affaire. Par le bouche-à-oreille, on a appris rapidement qu’on avait tous reçu le même courrier. D’ailleurs, curieusement, seuls les propriétaires dont la parcelle dispose d’une hutte de chasse l’ont reçu ».
Révolution française
et édit de Moulins
Miles
Wambaugh demande alors une entrevue avec le sous-préfet d’Abbeville de
l’époque, Philippe Dieudonné. Il lui indique que tous les propriétaires
concernés disposent d’actes notariés prouvant leur bonne foi. L’affaire
s’engage plutôt mal : pour qu’un terrain soit considéré comme faisant
partie du domaine public maritime, il suffit qu’il soit baigné par la
mer lors des grandes marées. Dans un courrier du 8 juillet 2011, le
sous-préfet consent néanmoins à suspendre la procédure, et invite chaque
propriétaire à fournir les titres de propriété « avec recherche d’antériorité de propriété la plus complète possible
». En effet, il existe deux exceptions aux principes
d’imprescriptibilité et d’inaliénation du domaine public maritime :
« (…) seuls les droits et concessions accordés avant l’Édit de Moulins de 1566 et les ventes légalement consommées de biens nationaux (NDLR, les biens saisis aux aristocrates et au clergé pendant la Révolution française) donnent un droit de propriété sur le domaine public maritime », écrit le sous-préfet.Le 12 septembre 2011, le collectif remet à la sous-préfecture d’Abbeville les premières pièces, « titres de propriété, extraits de cadastre, feuilles d’imposition de la taxe foncière », détaille Miles Wambaugh. La sous-préfecture envoie le tout au ministère de l’Écologie. Le 17 juillet 2012, le sous-préfet d’Abbeville réclame des preuves supplémentaires.
Miles Wambaugh et ses amis ne se démontent pas. « On a réuni tous nos titres de propriété », raconte-t-il. « Nous sommes allés aux Archives départementales pour retrouver les documents antérieurs. Grâce au personnel des Archives, on s’est rendu compte que tous les terrains situés entre la pointe du Hourdel et Saint-Valery ont été vendus le 28 vendémiaire an IV, soit le 20 octobre 1795, par l’État, à des bourgeois d’Abbeville. Ils appartenaient auparavant au comte d’Artois, comte de Ponthieu, frère de Louis XVI, futur Charles X ».
Première victoire, donc, pour le collectif, qui correspond à l’une des deux exceptions citées par le sous-préfet. Ce n’est pas tout. « On est remonté à des concessions accordées à des laboureurs avant 1520, donc avant l’édit de Moulins », ajoute Miles Wambaugh. La deuxième exception est respectée.
Successions
et ventes en suspens
Toutes
ces archives sont transmises le 9 octobre 2012 au sous-préfet
d’Abbeville. Ensuite, il a fallu attendre plus d’un an pour que l’État
réagisse, par un courrier daté du 20 novembre 2013, signé Jean-Claude
Geney, successeur de Philippe Dieudonné. Entre-temps, une expertise
juridique des documents a été faite, et le représentant de l’État
convoque le collectif à une réunion le 21 novembre 2013. Laquelle est
reportée, la veille du rendez-vous, « suite à un empêchement » du sous-préfet.Depuis, presque trois ans après le premier courrier de la DDTM, Miles Wambaugh et les autres propriétaires attendent toujours. Contactée par le Courrier picard, la sous-préfecture d‘Abbeville se refuse à commenter le dossier, en raison « de la campagne officielle des élections européennes ». La réunion n’a pas été annulée, elle devrait se tenir après le scrutin, assure-t-on. « Des successions sont bloquées par des notaires », affirme le président du collectif, « car ces derniers attendent la suite des événements. C’est problématique pour les héritiers, car les défunts possédaient bien des titres de propriété ». Des ventes sont également suspendues. À l’office notarial Butel-Sigwald de Saint-Valery-sur-Somme, aucun notaire n’a voulu répondre à nos questions sur le cadre juridique général de ces blocages.
« C‘est pire qu’une expropriation », résume Miles Wambaugh. « L’État veut nous mettre dehors de chez nous, sans aucune indemnisation, alors qu’il a acheté des mollières similaires sur la commune de Boismont ».
Le président du collectif, fort des preuves historiques dénichées, garde néanmoins confiance.
DENIS DESBLEDS pour Courrier picard
Le picard demeure fatal(iste)...
RépondreSupprimerle changement c'est le néant
RépondreSupprimerderrieres cet article il y as une volonté de nuire au monde de la chasse encore et encore ..... "vive les ecolo de salon!"
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