Chasseur d’images,
mais pas que.
Jeudi 13 juillet, cela fait maintenant treize jours que mon
arc n’a pas pris l’air ; en effet j’ai omis de faire renouveler ma
validation de permis de chasser avant fin juin. Les délais postaux pour
recevoir ce précieux sésame m’ont semblé interminables. Il faut dire que cette
année le tirage au sort des territoires pour l’approche m’a été favorable. Je
peux chasser sur le Mont Roland. Malgré l’urbanisation galopante ce territoire
est resté sauvage (c’est un massif boisé entouré de haies délimitant de petites
surfaces en prairie permanente et quelques surfaces en blé ou colza) ; c’est
également le coin le plus giboyeux de l’ACCA. C’est d’ailleurs sur ce secteur
que j’ai prélevé mon premier brocard à l’arc, il y a maintenant cinq années en
arrière. Que de chemin parcouru depuis ! De plus, cette saison j’ai un
bracelet pour moi tout seul ; je peux chasser six jours sur sept : le
rêve !
Durant ces deux dernières semaines d’attente, j’ai tout de
même mis ce temps à profit pour faire quelques sorties avec mon appareil photo,
afin d’essayer d’immortaliser les occupants des lieux. J’ai trois brocards
différents, deux chevrettes et un faon sur la pellicule ou plutôt sur la carte
SD.
Un jeune mâle avec de petit bois en forme de lyre.
Un grand cinq cors que j’ai observé à trois reprises, seul
ou accompagné de la chevrette suitée.
Et un très beau six cors que je dénommerai : le
fantôme, tant la vision de ce dernier a été furtive. Je ne l’ai pas revu malgré
plusieurs affûts à l’endroit où il m’est apparu.
J’ai placé mon tree-stand sur le seul arbre susceptible de
l’accueillir (les autres étant de trop petit diamètre). Il n’est pas idéalement
placé par rapport à la coulée où j’ai pu observer la fuite du grand cinq. Par
contre j’ai une vision plus importante notamment sur une petite zone en contre
bas, qui m’aurait sinon été invisible.
Au Bout d’une demi-heure d’attente, il est vingt heures
passé, j’entends arriver de très loin quelque chose qui se déplace à très vive
allure pour finir sa trajectoire à quelques mètres dans mon dos. Des cailloux
roules, à un moment, j’ai même cru à un Vététiste. Pourtant c’est peu probable,
le sentier le plus proche est bien plus haut dans le bois et la végétation
derrière moi est assez dense. C’est donc autre chose. Le bruit non identifié s’est
arrêté net à moins d’une trentaine de mètres. S’en suit un long silence qui
durera bien trois quart d’heure. Pour moi c’est une éternité, à tel point que
je me demande si je n’ai pas rêvé ou plutôt entendu des voix. Mais un peu avant
vingt et une heures, j’entends comme de petits grognements. Enfin non, ça
ressemble au bruit que ferai quelqu’un dont le nez est bouché. Il me faut
vraiment tendre l’oreille. Plus aucun doute n’est permis ; cette bête
respire bruyamment : un sanglier sans doute ! J’ai bien fait de
rester ultra concentré et de ne pas me tordre sur mon siège dans tous les sens
comme cela a déjà pu m’arriver, car l’animal est très proche. Enfin je perçois
un mouvement sur ma droite et c’est la chevrette qui apparaît. Ces sinus
doivent être parasités par des œstres laryngés. Ce qui explique sans doute son
état de maigreur. Je sors délicatement mon APN et prends quelques clichés puis
deux films.
Petite anecdote, au même endroit, il y trois semaines, le jour où
j’ai installé mon affût portatif, je l’ai filmé en train d’allaiter son faon.
Tout en filmant, je
découvre un chevreuil sur l’écran de mon appareil photo ; c’est le cinq
cors. Plus téméraire, Il devait attendre tapis dans la haie que la chevrette
s’expose pour à son tour venir s’enivrer de cette herbe grasse.
J’ai bien fait d’affûter sur cet arbre. Plus proche de la
coulée pressenti, je n’aurais sans doute pas vu le broc à cause du dévers. Je
range tout doucement mon appareil photo pour ne plus le ressortir de ma poche.
J’aurais pu pourtant me faire plaisir et saisir de très beau cliché. La femelle
aux aguets a regardé dans ma direction à plusieurs reprises. A chaque fois
c’est la même chanson, elle se remet à brouter et hop, elle relève la tête à la
vitesse de l’éclair. Je suis une statue et le resterai de très longue minutes.
Le brocard quant à lui n’a jamais levé les yeux dans ma direction ; il
fait totalement confiance à l’instinct de survie de sa femelle. Grave
erreur !
Au préalable, j’ai visuellement pris quelques repères avec
mon télémètres est tracé deux cercles imaginaires dont je suis le centre. Un à
vingt mètres et l’autre à vingt-cinq. Je suis parfaitement entraîné à ces
distances (deux heures hebdomadaire de tir sur cible avec mon recurve dans la
compagnie d’arc dont je suis adhérent).
Et là ce soir, j’ai mon compound. Si je
règle mon viseur, je peux même me permettre un tir à trente voire trente-cinq
mètres. Mon groupement à cette distance est proche de la taille d’une orange.
Mais ce brocard n’est pas une orange. Je ne tenterai pas ma chance (comme j’ai
pu le voir maintes fois sur des films que les auteurs osent mettre sur le net). Ôter une vie n’est pas un acte anodin ! Je ne décocherai une flèche que si
ce brocard s’immobilise avec un angle adéquat dans le cercle des 20 mètres.
J’ai des valeurs sans doute inculqué lors de ma JFO puis de ma JFC. Je n’y
dérogerai pas ; cela m’a jusqu’y ici plutôt bien réussi : vingt-trois
prélèvements, hors ragondins, sur six saisons.
Les minutes s’égrainent et la luminosité diminue. Un autre
chevreuil est sorti sur ma gauche à plus de cent cinquante mètres, il mange lui
aussi. Je ne peux l’identifier à cette distance et pas question de prendre le
risque de sortir les jumelles de mon sac à dos.
Deux lièvres, puis quatre ont eux aussi gagnés la prairie. Il y en a
même un qui se restaure à côté du couple de chevreuils (quelles belles photos
cela aurait pu faire !). Ma patience à des limites ; dans moins de
vingt minutes, il va falloir que je quitte mon perchoir. Mais comment faire ;
je ne vais pas gâcher un si bon spot. Petit à petit les deux chevreuils se sont
rapprochés ; mais ils ne semblent pas décider à faire les dix-douze mètres
supplémentaires, garant d’une atteinte parfaite.
Soudain tout va très vite. Je peux dire un grand merci à nos
ancêtres qui ont eu la bonne idée de prendre la Bastille. Un tir de pétards
vient troubler la quiétude des lieux. Les deux ruminants sont sur le qui-vive.
Deux pairs d’oreilles tournent en tous sens. Le mâle se déplace rapidement puis
s’immobilise à vingt mètres plein profil. J’arme mon arc, le pin sur le cœur.
Si j’ai mal évalué la distance (vingt et un à vingt-deux mètres) la flèche
passera en dessous et s’il entend la décoche et fléchit les membres antérieurs,
les poumons peuvent être atteints. «Flack » un bruit sourd que je connais
bien me rassure.
Ma proie s’enfuit et rentre dans le bois sur ma gauche. Trois
secondes plus tard et c’est le silence ; j’ai entendu son dernier souffle.
J’attendrai tout de même vingt-deux heures pour descendre, ranger mon matériel
et regagner ma voiture. Je passe un coup de fil à mon épouse qui attend le tir
des feux d’artifices accompagnées de mes 3 enfants. Notre menu de dimanche est
tout trouvé ! Un autre coup de fil au garde pour l’avertir que j’entame
une recherche de nuit. Inutile d’appeler un conducteur UNUCR. Me revoilà sur
zone avec une deuxième lampe frontale ; la première n’éclairait pas
grand-chose.
Mon broc est là où je le présentais. Vu l’entrée de la flèche le
cœur doit être touché, ce qui se vérifiera lors du dépouillement à la maison.
Je pose le bracelet, une fois la date du jour découpé. Une brisée de lierre dans
la bouche du petit cervidé et je remercie mentalement Dame Nature de m’avoir offert
ce beau prélèvement.
Action de chasse parfaitement mené dont le souvenir
restera gravé pour longtemps dans ma mémoire.
Emotions décuplées du fait de
l’arme utilisée. J’en oublie la traditionnelle photo sur place. De toute façon
avec un flash, elle n’est souvent pas top ! D’où la séance photographique
du lendemain matin. En fait, le cinq porte six cors et d’après le taxidermiste
à qui je l’ai confié, son âge est vénérable. C’est un très vieux mâle. Aucun
regret, mon choix était le bon ! Peut-être un jour aurais-je la chance de
recroiser le fantôme ou d’observer l’évolution du trophée en forme de lyre. Une
belle photographie cela vaut bien une bonne flèche !
Patrice Cahé
Félicitations et merci pour ce magnifique récit j'avais l'impression d'y être encore BRAVO
RépondreSupprimerCool, félicitations !!!
RépondreSupprimerFélicitations pour ce très beau prélèvement et ce superbe récit.
RépondreSupprimersuperbes photos, superbe récit,tres bel animal, tir impeccable tireur surentrainé ;tout est parfait trop peut etre?
RépondreSupprimerFélicitations tounet
RépondreSupprimerBelle action de chasse Patrice après un repérage efficace; Félicitations
RépondreSupprimerBelle flèche, et superbe animal.
RépondreSupprimerDommage que ce texte flirte avec une pointe de narcissisme égocentrique qui laisse un petit gout amer... Pour ce qui est des photos, vous n'atteignez pas encore la cheville de Jeannot qui sévit pour notre plus grand bonheur ici, en terme de qualité de rendu.
En revanche, il faut reconnaître vous savez vous mettre dans les situations de proximités avec les animaux et cela est une vraie qualité qui devrait vous permettre une plus grande empathie pour ces derniers.
Travaillez l'humilité, assumez quelques gamelles/blessés/perdus que vous pouvez connaitre/connaissez, admettez les tords induits (sans les excuser), alors seulement, vous pourrez prétendre à la perfection... que vous n'oserez jamais reconnaître publiquement car elle sera pleine et entière.
Bien à vous.